« Ma priorité est de faire du CCMEFP-UEMOA un outil holistique d’intégration socio-économique dans l’espace UEMOA »
Amidou BANCE est titulaire d’un Master II Sciences Humaines et Sociales, Mention Formation Développement, Spécialité Ingénierie de la Formation et des Systèmes d’Emplois, ENFA Toulouse-Auzeville/France. Précédemment Directeur Régional de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi dans la région de la Boucle de Mouhoum (2010-2011) et dans la région du Centre (2011-2015) au Burkina Faso, il fut également Chargé d’études au Ministère de la Jeunesse, de la Formation et de l’Insertion Professionnelles (2015-2017), et Spécialiste en formation puis Coordonnateur du Projet Emplois des Jeunes et Développement des Compétences (2017-2020), de son pays. Fonctionnaire de l’Etat burkinabè et Conseiller en Emploi et en Formation Professionnelle au Ministère de la Jeunesse, de la Promotion de l’Entrepreneuriat et de l’Emploi, il a été promu au poste régional de Secrétaire Permanent du Cadre de Concertation des Ministres en Charge de l’Emploi et de la Formation Professionnelle de l’espace UEMOA (CCMEFP-UEMOA), en Janvier 2021 pour un mandat de trois (03) ans. Depuis bientôt dix mois, il apporte son savoir-faire au Cadre de Concertation avec abnégation et méthode. Il répond ici aux questions de « La Concertation », Le Magazine du CCMEFP-UEMOA.
Mag « La Concertation » : Vous avez hérité d’un Cadre de Concertation qui a fermé ses noces d’étain. Quels sont les acquis de ce cadre aujourd’hui ?
Amidou BANCE : Le Cadre de Concertation des Ministres en charge de l’Emploi et de la Formation Professionnelle de l’espace UEMOA (CCMEFP-UEMOA), créé le 28 avril 2010 à Bamako, est un creuset regroupant les ministres en charge de l’emploi et de la formation professionnelle de l’espace UEMOA.
La mission du Cadre de Concertation est : « de renforcer la concertation et la coopération entre ses membres en vue de rendre plus efficientes les politiques nationales et sous régionales en matière d’Emploi et de Formation Professionnelle ».
Depuis sa création en 2010, avec l’appui technique et financier de ses partenaires, plusieurs résultats ont été atteints par le CCMEFP-UEMOA. Il s’agit essentiellement de :
l’organisation régulière de la Conférences des Ministres depuis 2010. En effet depuis sa création, le Cadre de Concertation, avec l’appui technique et financier de la Commission de l’UEMOA, organise chaque année la Conférence des Ministres. La 12ème Conférence des Ministres se tiendra le 08 octobre 2021 à Dakar au Sénégal ;
l’élaboration de l’ingénierie de seize (16) métiers porteurs dont deux (02) par pays membre afin de permettre aux Etats de disposer d’outils d’aide aux développement des compétences des jeunes et des femmes ;
la mise en place d’une commission de préparation et de suivi de la Conférence des Ministres dans chacun des huit (8) pays en 2019. Le rôle de ces commissions de suivi est d’accompagner l’organisation des Conférences des Ministres et de suivre la mise en œuvre des recommandations et décisions issues de ces Conférences. A ce titre, ils organisent des séances trimestrielles de comptes rendus aux Ministres chargés de l’Emploi et de la Formation Professionnelle ;
la création d’une plateforme de Mutualisation des ressources en matière de formation professionnelle et d’emploi avec la mise en place d’Entités Nationales de Mutualisation (ENM) dans les 8 pays membres et au Tchad. La plateforme de mutualisation est un portail web de partage et d’utilisation de ressources ayant un contenu normatif et pédagogique en vue de développer et de renforcer l’offre et les dispositifs de formation professionnelle des pays engagés.
A ce jour, 284 ressources ont été mutualisées sur un total de 2120 identifiées dans les pays membres. Une cartographie des outils et ressources disponibles a été réalisée avec l’appui financier de la Coopération Suisse. Un portail web de la Plateforme a été mis en ligne depuis le 19 novembre 2018 grâce à l’appui technique et financier de l’institut International de la Planification pour l’Education Pôle de Dakar (IIPE-UNESCO Dakar), des Entités Nationales de Mutualisation (ENM) ont été mises en place en 2018 et en 2019 avec pour mission de collecter les ressources et outils mutualisables et de les soumettre sur la plateforme et des documents de référence pour les responsables nationaux et régionaux de l’animation de la Plateforme de mutualisation ont été élaborés ;
l’existence d’un Secrétariat Permanent fonctionnel au Mali. Le siège du Secrétariat Permanent a été inauguré en novembre 2019 à Bamako. Le Secrétariat compte quatre (04) personnes : le Secrétaire Permanent, l’Assistante Administrative et Comptable, l’Agent de liaison et le chauffeur ;
la promotion et l’autonomisation des Observatoires Nationaux de l’Emploi et de la Formation (ONEF). Depuis sa création en 2010, le Cadre de Concertation a œuvré à la création et à l’autonomisation des ONEF dans les Etats membres. A ce jour, sept (07) ONEF ont été créés dont cinq (05) sont autonomes. Il s’agit de l’ONEF du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali et du Niger. Les ONEF du Bénin et du Togo ont été créés mais ne sont pas autonomes car ils sont toujours rattachés à l’Agence Nationale pour l’Emploi. Au Sénégal, l’ONEF n’est pas encore crée ; les données statistiques sur l’emploi et la formation sont produites par une Direction Générale ;
l’élaboration des indicateurs de l’emploi et de la formation professionnelle. Les Ministres en charge de l’emploi et de la formation professionnelle ont, au cours de leur conférence annuelle tenue en Guinée Bissau en 2011, retenu une liste minimale de quarante (40) indicateurs dont vingt (20) de l’emploi et vingt (20) de la formation professionnelle. A ce jour, avec l’Appui financier de l’UEMOA et l’appui Technique de AFRISAT, les Observatoires Nationaux de l’Emploi et de la Formation ont élaboré ces indicateurs et une feuille de route pour leur renseignement ;
le plaidoyer pour l’effectivité du reversement de la Taxe Patronale d’Apprentissage (TPA) aux fonds de Financement de la Formation Professionnelle. Afin de faire de la formation professionnelle, un élément catalyseur du développement économique et social des Etats membres, le cadre de concertation a fait des plaidoyers pour le reversement intégral de la TPA aux fonds de financement de la Formation Professionnelle. A ce jour, la TPA est entièrement reversée aux fonds de financement de la côte d’Ivoire et du Sénégal. Au Niger, 65% de la TPA sont versés au Fonds. Au Burkina Faso, au Mali, en Guinée Bissau, au Togo et au Bénin les fonds bénéficient de dotation financière spécifique soit par le mécanisme de contrat-plan, soit par l’octroi de ligne budgétaire spécifique ;
la mise en place de l’initiative des collègues communautaires : le concept de collège communautaire dont l’expérimentation est envisagée dans les pays membres de l’UEMOA est une initiative inspirée du modèle canadien. Le Concept vise à créer ou renforcer la participation communautaire dans le processus de développement des compétences en lien avec les besoins des économies nationales. Ce concept constitue une approche de mutualisation des compétences et des connaissances des acteurs de la formation professionnelle qui leur permet d’apporter leur contribution à l’organisation et à la gestion efficace de la formation. A ce jour, chaque pays a identifié un centre de formation pilote et huit (08) projets d’établissement ont été élaborés. Une réunion ministérielle s’est tenue le 18 juin 2021 et des échéances ont été fixées pour la prise des actes administratifs devant conduire à la transformation des établissements ou centres de formation en des collèges communautaires.
Quels sont les principaux défis que votre mandat s’emploie à relever depuis votre installation en janvier 2021 ?
Les principaux défis de mon mandat seront d’abord de préserver et consolider les acquis du Cadre de Concertation. Ces acquis seront le socle sur lequel nous allons apporter notre pierre à cet édifice.
Ensuite, nous travaillerons et veillerons à ce que le Cadre de Concertation soit un outil efficace d’intégration, de développement et de culture de la paix, à travers la formation et l’insertion socio-économique des jeunes de l’espace UEMOA. A ce titre durant les trois (03) années qui suivent, nous allons organiser des missions de haut niveau auprès des huit (08) Chefs d’Etat des pays membres afin qu’ils puissent porter aux rangs des priorités l’emploi et de la formation professionnelle et assurer un meilleur financement des initiatives entreprises.
Dans le domaine du Partenariat, nous allons travailler à consolider de façon durable les liens avec les partenaires actuels du Cadre de Concertation et aussi nouer de nouveaux partenariats avec des organisations régionales, sous-régionales et internationales. Pour ce faire, nous allons élaborer une stratégie de développement de partenariat, d’échanges d’information et de financement dans le domaine de l’emploi, et de la formation professionnelle.
Afin de renforcer la synergie d’actions entre les Etats Membres et de favoriser le partage d’expérience, nous allons entre autres :
réaliser une étude diagnostic dans les pays en vue d’identifier les bonnes pratiques en matière de politiques et institutions dans le domaine de l’emploi, de la formation professionnelle et du Système d’Information sur le Marché de travail (SIMT) ;
élaborer un document de cadre harmonisé pour l’emploi, la formation professionnelle et le Système d’Information sur le Marché du Travail (SIMT) dans l’espace UEMOA ;
actualiser le Répertoire Opérationnel Africaines des Métiers et des Emplois (ROAME).
Finaliser la formulation d’un Programme d’appui à l’insertion professionnelle des jeunes en vue de lutter contre l’insécurité et les migrations irrégulières dans l’espace UEMOA. C’est une recommandation de la Conférence des Ministres que nous veillerons à réaliser et aussi à mobiliser les Partenaires Techniques et Financiers pour le financement de la mise en œuvre du Programme.
L’efficacité du Cadre de Concertation est tributaire de la mise en œuvre effective des Recommandations et Décisions de la Conférence des Ministres. A ce titre, nous veillerons à interpeller les parties prenantes pour une mise en œuvre effective des recommandations.
Enfin c’est réussir la mise en œuvre du Programme Régional pour la Formation Professionnelle dans l’espace UEMOA (PROFOR). Le PROFOR est un programme financé par l’UEMOA et la Direction du Développement de la Coopération Suisse qui va être mis en œuvre sur une période de 12 ans dans les huit (08) pays de l’UEMOA et au Tchad. Le coût de la 1ère phase du PROFOR de quatre (04) ans s’élève à 4,5 milliards de francs CFA.
L’objectif global du PROFOR est de contribuer à l’amélioration de l’adéquation des systèmes de formation professionnelle avec les besoins des économies de l’Union. Il s’agit de promouvoir à l’échelle régionale des dispositifs de formation professionnelle efficients et adaptés aux économies des Etats de l’Union et du Tchad, pourvoyeurs d’emplois décents et durables pour les jeunes afin d’augmenter l’employabilité et l’insertion professionnelle des jeunes femmes et hommes dans l’espace UEMOA.
Le PROFOR se décline en trois (03) axes opérationnels :
Axe opérationnel n°1 : Appuyer la mutualisation des outils et ressources de formation, et renforcer les formateurs de manière concertée et partagée qui sera mis en œuvre par le Cadre de Concertation en collaboration avec l’Institut International de Planification de l’Education (IIPE-UNESCO Dakar) ;
Axe opérationnel n°2 : Soutenir une capacité inter pays de recherche-action (éducation-formation-travail) et d’outils d’aide à la décision qui va être mis en œuvre par le Pôle de Qualité Inter-Pays sur le Développement des Compétences Techniques et Professionnelles (PQIP/DCTP) ;
Axe opérationnel n°3 : Cibler les financements du PROFOR sur les dispositifs de Formation Professionnelle/Développement des Compétences Techniques et professionnelle à forte valeur sous régionale comme Le Réseau africain des institutions et fonds de formation professionnelle (RAFPRO).
Bien sûr tout cela doit se faire avec les orientations et l’approbation des Ministres du Cadre de Concertation.
Vous êtes aujourd’hui le bras opérationnel du Cadre. Quel est votre regard sur l’engagement des pays ?
Aujourd’hui, l’importance stratégique du Cadre de Concertation ne fait aucun doute. Si, les Ministres ont décidé en 2010 de créer le Cadre le Cadre de Concertation, c’est parce qu’ils ont pris conscience des enjeux de la formation professionnelle et de la nécessité de promouvoir la création d’emplois dans l’espace UEMOA.
Avec les Pays, nous avons une bonne synergie d’actions et ce sont l’engagement des pays qui nous ont permis d’atteindre les résultats évoqués plus haut.
Depuis 2019, dans chacun des huit (8) pays membres, il a été mis en place une Commission de préparation et de suivi de la Conférence des Ministres. Le rôle de ces commissions de suivi est d’accompagner l’organisation des Conférences des Ministres et de suivre la mise en œuvre des recommandations et décisions issues de ces Conférences. Ces Commissions regroupent les experts pays en emploi, en formation professionnelle, en Systèmes d’Information sur le Marché du Travail, les Responsables des services publics d’emploi et des fonds de financement de la formation professionnelle et de l’emploi, les coordonnateurs et les coordonnateurs adjoints des Entités Nationales de Mutualisation. Ces commissions de suivi organisent des rencontres périodiques et font des comptes rendus aux Ministres chargés de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.
Afin d’optimiser le suivi de la mise en œuvre des recommandations de la Conférence des Ministres, nous avons élaboré un fichier qui recense l’ensemble des recommandations de chaque Pays. Et nous sommes en contact permanent avec les commissions de suivi pour faire le point de la mise en œuvre des recommandations.
Qui sont les partenaires techniques et financiers du Cadre et qu’apportent-ils au développement du cadre ?
Plusieurs partenaires appuient le Cadre de Concertation dans l’atteinte de ses missions parmi lesquels on peut citer :
La commission de l’UEMOA. Ayant été un artisan de la création du Cadre de Concertation, l’UEMOA depuis 2010 apporte un appui technique et financier pour l’organisation chaque année de la Réunion des experts et de la Conférence des Ministres ;
L’Institut International pour la Planification de l’Education basé à Dakar (IIPE-UNESCO Dakar) accompagne techniquement et financièrement le Cadre de Concertation dans le cadre de la mutualisation des ressources et outils de formation professionnelle et d’emploi ;
L’Observatoire Economique et Statistique d’Afrique Subsaharienne (AFRISTAT), basé à Bamako au Mali, accompagne le Cadre de Concertation et l’UEMOA dans le plaidoyer pour la création et l’autonomisation des Observatoires Nationaux pour l’Emploi et la Formation (ONEF) et dans la définition, la production et la diffusion de la liste minimale des indicateurs d’emploi et de formation professionnelle dans l’espace UEMOA ;
La Direction du Développement de la Coopération suisse (DDC) basée au Bénin est un des partenaires qui a apporté un appui financier et technique dans le cadre de la mutualisation des ressources et outils de formation professionnelle et d’emploi. Elle est le principal bailleur de fonds dans le financement du Programme Régional pour la Formation Professionnelle dans l’espace UEMOA (PROFOR).
Le Réseau Africain des Institutions et Fonds de Formation Professionnelle (RAFPRO) avec qui le Cadre de Concertation fait le plaidoyer auprès des Etats membres d’une part, pour la généralisation de la question du financement de la Formation Professionnelle comme une problématique commune à tous les ministères en charge de l’Emploi et de la Formation Professionnelle et accroître les niveaux de financement et d’autre part, pour le reversement de la totalité de la taxe à l’apprentissage au profit de la formation Professionnelle.
Y a-t-il un espoir pour la jeunesse à travers le cadre de concertation et à quelles conditions ?
Susciter l’espoir pour la jeunesse et les femmes dans les Etats membres, c’est la raison d’être du Cadre de Concertation. A ce titre, le Cadre de Concertation œuvre au niveau stratégique non seulement pour que les Etats prennent conscience des enjeux de la formation professionnelle et de la promotion de l’emploi mais aussi pour définir des approches et stratégies concertées entre les Pays membres afin de faire de la formation professionnelle un élément catalyseur du processus de développement socio-économique.
La formation professionnelle, en tant qu’instrument de mise en valeur des ressources humaines, constitue pour les pays, un moyen efficace pour consolider la viabilité des entreprises, soutenir la croissance économique, améliorer la productivité du travail, juguler le chômage et la crise de l’emploi et anticiper et préserver la paix sociale. Elle est un facteur d’épanouissement personnel et d’enrichissement culturel et matériel. Par conséquent, un levier fondamental de la stratégie de réduction de la pauvreté. Au regard de ses enjeux à la fois politique, économique, éducatif et social, la formation professionnelle apparaît comme un instrument fondamental pour le développement des Etats.
Afin que chaque citoyen soit à même de jouer pleinement le rôle moteur de développement qui est le sien, le Cadre de Concertation avec ses partenaires œuvre pour que les Etats portent l’emploi et la formation professionnelle aux rangs des priorités et y accorder un financement plus important. Aussi, il faudrait travailler à identifier des métiers porteurs de croissance en lien avec les besoins du marché de travail de chaque Etat membre dans le cadre d’un partenariat avec le secteur privé et travailler de manière concertée entre les Etats à développer des centres de formation professionnelle nationaux et régionaux d’excellence.
Cel Com.CCMEFP-UEMOA